Rapport de l’atelier de Korogho sur « Migrations et enjeux fonciers en Côte d’Ivoire »

Les travaux de l’Atelier de Réflexion sur « MIGRATIONS ET ENJEUX FONCIERS EN COTE D’IVOIRE », organisé par l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA), le Laboratoire (Interuniversitaire) des Sciences Sociales et des Organisations (LASSO), l’Initiative Prospective Agricole et Rurale et le Département de Sociologie de l’Université Peléforo Gon Coulibaly (UPGC) de Korhogo se sont déroulés à la Salle de la Bibliothèque de l’Université.

Cet atelier a pour objectif de contribuer à la résolution de façon durable de la problématique du foncier en Côte d’Ivoire en accompagnant des acteurs (Chercheurs, Etat, OSC et populations) à créer et co-animer un espace inclusif de dialogue et d’élaborations de propositions pertinentes sur le foncier rural.

Texte complet

Les travaux de l’Atelier de Réflexion sur « MIGRATIONS ET ENJEUX FONCIERS EN COTE D’IVOIRE », organisé par l’Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique (ARGA), le Laboratoire (Interuniversitaire) des Sciences Sociales et des Organisations (LASSO), l’Initiative Prospective Agricole et Rurale et le Département de Sociologie de l’Université Peléforo Gon Coulibaly (UPGC) de Korhogo se sont déroulés à la Salle de la Bibliothèque de l’Université.

Cet atelier a pour objectif de contribuer à la résolution de façon durable de la problématique du foncier en Côte d’Ivoire en accompagnant des acteurs (Chercheurs, Etat, OSC et populations) à créer et co-animer un espace inclusif de dialogue et d’élaborations de propositions pertinentes sur le foncier rural.

Différents partenaires extérieurs ont honoré de leur présence cette rencontre de réflexion en l’occurrence le président du Conseil de l’ARGA , le ministre Ousmane SY du Mali, le Coordonnateur régional de l’ARGA basée au Sénégal, M. Assane Mbaye.

Au niveau des participants locaux, l’atelier a enregistré la présence du Préfet par intérim du Département de Ferkessédougou ;

Secrétaire Général II de Préfecture, représentant le Préfet de la Région du PORO ; Pr. COULIBALY ADAMA, Président de l’UPGC ; Pr. KONE ISSIAKA de l’Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa/Côte d’Ivoire, Directeur du Laboratoire (interuniversitaire) des Sciences Sociales et des Organisations (LASSO) ; Pr. KOUAME N’GUESSAN, Chef de Cabinet du Ministère de la Solidarité, de la Cohésion Sociale et de l’Indemnisation des Victimes ; Pr. AGBROFFI DIAMOI, Maître de Conférence à l’Université Alassane Ouattara ; Dr. LALLY KOUADIO, Anthropologue des migrations et du co-developpement à l’UPGC ; Dr. KADJO ArsèneSocio-Anthropologue à l’UPGC.

La cérémonie a débuté par les mots de bienvenue du Maître de Cérémonie qui a tenu d’une part à remercier les uns et les autres de leur présence et d’autre part à présenter les excuses du Comité d’Organisation pour le retard accusé. Il a ensuite présenté le programme de la journée puis passé la parole au Président du Comité d’Organisation qui a situé les enjeux de cette rencontre. En effet, il a relevé que la problématique du foncier touche tout le pays. Le Nord, longtemps exempté, est le nouveau théâtre de ces conflits, notamment entre agriculteurs et éleveurs. Le présent atelier est une initiative en vue de comprendre cette problématique nouvelle.

A sa suite, le Président de l’UPGC a souhaité le traditionnel « FOTAMANA » à tous les participants et montré l’intérêt que son institution accorde à cet Atelier dont le thème est aussi révélateur que riche de significations dans un contexte spatial où cohabitent valeurs traditionnelles, protectionnisme culturel, exigences de la modernité et impératif de l’ouverture sur l’extérieur imposé par la mondialisation.

Cette mondialisation ne peut être effective qu’avec des échanges de toutes sortes y compris des mouvements de personnes et de biens. Ces migrations qui s’imposent au monde d’aujourd’hui avec leurs corollaires de bouleversements économiques, culturels, politiques, voire juridiques doivent être comprises et expliqués pour anticiper sur les conflits multiformes dont celui du foncier.

Des défis qui se conjuguent en « Stabilité, Cohésion, Paix et Développement », attendent les universitaires, experts, juristes, société civile, acteurs politiques, autorités religieuses et coutumières, pour l’édification d’une nation forte et prospère dans la perspective de l’émergence à l’horizon 2020.

Le président du Conseil de l’ARGA, a, dans son allocution félicité les Organisateurs, les Enseignants Chercheurs, les Etudiants et les Participants, puis présenté l’ARGA qui œuvre depuis deux décennies à la résolution des problèmes de gouvernance en vue du développement des Etats Africains.

Le Secrétaire Général II de Préfecture, représentant le Préfet de la Région du PORO a exprimé les encouragements du Préfet, puis partagé son expérience sur la question du foncière tout en attirant l’attention des Chercheurs sur la zone de Bouna qui se présente comme une zone de migrations multisectorielles. Il les exhorte donc à se pencher sur cette question car il ya matière à réflexion et à discussion sur ces conflits parfois à relents politiques, diplomatiques, économiques et sociaux.

Le Chef de Cabinet du Ministère de la Solidarité, de la Cohésion Sociale et de l’Indemnisation des Victimes a d’abord formulé des mots de remerciement à l’endroit des organisateurs de cet atelier au nom de Madame la Ministre.

En effet, les intérêts des individus n’étant pas toujours convergents selon elle, cela met en mal la cohésion nationale, intercommunautaire et transfrontalière. Les conflits fonciers ont été à la source de la dégradation des rapports entre les populations.

En tant que Chercheur, il a abordé la question du conflit foncier en milieu rural par la définition de certains concepts clés « autochtone, allochtone et allogène » en convoquant la pluridisciplinarité : l’Anthropologie, la Sociologie, la Géographie, la Politique, etc.

A la fin de son discours, le Maître de Cérémonie a mis fin à cet début des travaux avec la photo de famille et la pause-café.

Les travaux ont repris par la suite avec la présentation de l’ARGA, du LASSO et du Département de Sociologie de l’UPGC de Korhogo.

Selon le Coordonnateur Régional de l’ARGA, Mr ASSANE M’BAYE, l’ARGA est une structure internationale présente dans 5 pays (Benin, Burkina, Mali, Côte d’Ivoire et Sénégal). Elle a à son actif 12 000 documents produits sur la gouvernance et 2 sites internet pour faciliter sa communication extérieure et sa visibilité.

Le Professeur KONE ISSIAKA de l’Université Jean Lorougnon Guédé de Daloa, Directeur du Laboratoire du LASSOa remercié toutes les parties prenantes à cet atelier. En effet, le LASSO qu’il dirige depuis 2012 sous l’égide des Prs. KOUAKOU N’GUESSAN et AKINDES a une vocation interuniversitaire et veut faire face aux changements et paradigmes en rapport avec la migration à travers l’approche culturelle en vue du développement durable.

Le Chef du Département de Sociologie, le Docteur ZAGOCKY a rendu hommage au Pr. KONE ISSIAKA et au Dr. AMALAMAN pour cette initiative scientifique. Il a également présenté les ressources humaines ainsi que les activités de recherche intégrant la thématique de la migration au sein de sa structure.

Des séances d’échanges ont suivi cette présentation avec le Pr. AGBROFFI, Dr. KONATE Mme KONE et M. OUATTARA.

La suite de la matinée a été consacrée au 1erpanel sur « Recherches empiriques et résultats d’études sur les migrations et les conflits fonciers, expériences nationales et internationales ».

Deux communications ont meublé ce panel dont la 1ère a porté sur la communication du Pr.KONE ISSIAKA. Il a indiqué que la migration en pays malinké a une marque identitaire parce que tous les biens acquis par le migrant reviennent à sa communauté. Cette migration née dans les années 1970 suite à la sécheresse au Sahel a accentué la migration vers Sikasso et la Côte d’Ivoire. Il a également montré qu’en Côte d’Ivoire, les autochtones ont favorisé la sédentarisation et des échanges matrimoniaux avec les éleveurs peulhs dont le pouvoir économique suscite la jalousie des autochtones et conduit à des conflits fonciers.

La seconde communication a été présentée parle Préfet CYRILLE AMBROISE DIOMANDE, Préfet par intérim du Département de Ferkessédougou qui a exposé le contenu du Décret 96-433 de 1996 relatif à la résolution des conflits nés des rapports entre agriculteurs et éleveurs.

Les échanges ont permis de mieux appréhender les questions relatives aux migrations et conflits fonciers à travers les expériences nationales et internationales et mis fin à cette demi-journée.

2nd panel : « Etudes empiriques sur les migrations, les étrangers, le foncier rural et le développement local ». Trois communications ont été présentées.

La 1ère, animée par le Pr. AGBROFFI a porté sur « Les positions dans la question foncière en Côte d’Ivoire ». Selon lui, la position, mieux la posture de l’analyste, du scientifique à adopter pour mieux traiter notre sujet est préoccupante, au plus haut point. Parmi les nombreuses postures possibles pour aborder le thème, deux ont été priorisées. Ce sont celle culturaliste et celle naturaliste. Parmi les deux, laquelle adoptée comme base pour mettre en exergue du point de vue principiel et de départ, ce qui a manqué et pose le plus souvent des problèmes ? Celle naturaliste, avons-nous pensé pour les manques et les insuffisances de départ qui pris en compte auraient dû permettre d’éviter beaucoup de problèmes. Sur cette base, une interversion de termes ou de concepts du thème du colloque s’impose.

Migrations et fonciers comme thème ne se traite d’emblée et pas directement par l’établissement d’un réseau de relations explicatif entre Migrations et fonciers. La première disposition consiste à inverser l’ordre des termes, et si non, les concepts de migration et de foncier pour donner lieu à Foncier et Migration.

Il avance que pour créer une structure étatique ou réaliser un projet de développement public, l’Etat prend une portion de terre appartenant à une communauté villageoise pour l’offrir à une autre communauté. Il critique les procédures d’acquisition de ces terres et les solutions apportées qui suscitent des mécontentements. Il analyse ensuite, les forces et faiblesses et met en exergue, les risques latents tant pour les communautés elles-mêmes que pour l’Etat. Une série de recommandations a mis fin à sa communication.

La 2ndecommunication, présentée par Dr. LALLY KOUADIO a eu pour thème : « prévention et gestion de conflit entre autochtones et étrangers dans le foncier rural ivoirien: Koffi Akakro et Mahounou, deux cas de figure à apprécier ».Il a insisté sur le fait que les conflits relatifs aux problèmes fonciers en Côte d’Ivoire, avec en toile de fond, le couple d’acteurs agriculteurs et éleveurs transhumants, sont toujours actuels malgré les tentatives de résolution. Il en veut pour preuves les cas récents d’affrontements meurtriers dans les régions du Nord-Est à Bouna et du centre à Bouaké (Béoumi et Sakassou) et à Yamoussoukro qui portent atteinte à la cohésion sociale. D’où l’intérêt d’en comprendre les logiques internes et d’apporter des solutions afin de minimiser les impacts.

La dernière communication a été présentée par Dr. KADJO Arsène sur : « Dynamique migratoire et logique de reconquête foncière à Dakpadou, Sago dans le département de Sassandra ». Il a rappelé que l’application de la loi n°98-750 du 23 décembre 1998 se heurte à des résistances sociales liées à des interprétations diverses. Celles-ci conduisent les autochtones Godié à contester les conventions foncières traditionnelles et à s’inscrire dans une logique de reconquête foncière.

Avant les échanges, la parole a été donnée au Pr. YEO SOULEYMANE de l’Université Félix Houphouët Boigny qui a fait un bref rappel du contexte des conflits fonciers en Côte d’Ivoire en insistant sur l’épineuse question du passage de l’appropriation collective à l’appropriation individuelle des terres. Les interventions ont porté sur la définition de la notion d’étranger, la nécessité de mettre fin au décompte de morts en cas de conflit foncier, la redéfinition du thème central de l’atelier et les stratégies mises en œuvre par les autochtones en vue de reconquérir leurs terres.

Dans l’ensemble, les panélistes ont éclairé l’auditoire sur la mauvaise interprétation de la loi sur le foncier, les ventes illicites de terres et la pratique du rançonnage des autochtones à l’égard des étrangers. Les échanges ont permis de mieux situer l’assistance sur les initiatives favorables à la résolution des conflits fonciers et à la promotion du développement au niveau local.

L’ouverture des travaux de la seconde journée a démarré à 8h45 mn avec la lecture du rapport des activités de la journée précédente par Dr Ettien. Le Modérateur, Dr Goin Bi a ensuite donné la parole au Pr YEO SOULEYMANE et à Dr Ebenezer Koffi pour leur communication dans le cadre du panel 2 qui n’a pu s’achever la veille.

La communication du Pr YEO SOULEYMANE a porté sur « L’intégration par le foncier rural et urbain des immigrés et étrangers en CIV ». Il a commencé son propos en présentant la Côte d’Ivoire comme le 7ème pays d’immigration au monde et le 1er en Afrique de l’ouest. Il a ensuite énoncé des modèles d’intégration dans le monde. Selon son analyse, le modèle de la Côte d’Ivoire est un« modèle cohabitationniste » parce que la cohabitation est consentie.

Le foncier apparait comme un facteur intégrateur or, la politique d’immatriculation foncière tend vers la propriété individuelle. Il interpelle tous les acteurs sur ce mécanisme qui confronté au communautarisme développé par les populations, va déboucher plus tard sur l’amplification des crises. Il a enfin montré que le foncier est un facteur d’intégration à partir des exemples d’Oupoyo (zone rurale) et d’Abengourou (zone urbaine).

A sa suite, Dr Ebenezer Koffi a communiqué sur « Dynamiques migratoires, enjeux et conflits fonciers dans un contexte de retour des populations autochtones déplacées dans l’Ouest ivoirien ». Il a situé le contexte historique de sa contribution qui couvre l’immigration de la période de 2002 à nos jours. Les nombreux conflits fonciers récents dans les zones du Sud-Ouest (San-Pedro, Soubré) entre les populations autochtones et les migrants consécutivement à la raréfaction des terres arables occasionnent un nouveau mouvement de migration en direction de la région ouest ivoirienne devenue depuis quelques années la nouvelle boucle du cacao.

Les ressources acquises par les migrants vont être réinvesties dans la zone d’accueil et cela va entrainer une inversion des rapports de force entre allogènes et autochtones. Avec la crise militaro-politique, les personnes déplacées vont perdre le monopole de la gestion de leurs terres. Des conflits vont prendre forme à partir de la rupture du lien social.

Les échanges ont porté sur l’accaparement des terres par les multinationales et l’application de la loi foncière de 1998. En outre les participants ont exhorté l’Etat à prendre ses responsabilités en procédant à des déguerpissements des occupants illégaux des forêts classées.

Le panel 3 a porté sur « Partage des expériences d’acteurs » sur la migration et les enjeux fonciers avec comme modérateur Dr ZAGOCKY.

La 1ere expérience est celle de l’ONG ASAPSU(Association de Soutien à l’Auto-Promotion de la Santé Urbaine)qui a communiqué sur le lien entre la cohésion sociale et les conflits fonciers dans l’Ouest de la Côte D’ivoire, plus précisément le cas de la région de Soubré.

Le plus gros contingent des allochtones est composé de l’ethnie baoulé qui se sont installés dans la région de la Nawá principalement en la faveur de la construction du barrage de Kossou.

Concernant les allogènes, ils sont en majorité composés de burkinabé qui se sont installés à la recherche de terres cultivables depuis la période des indépendances.

Dans la région de la Nawa, ASAPSU s’emploie de plus en plus à aider les populations cibles à avoir une meilleure connaissance de la loi de 98 relatif au domaine foncier rural et de la mettre en pratique. ASAPSU soutient entre autres les attentes suivantes :

La 2ème expérience présentée par M. Gaoussou Roger est celle de l’ONG Animation Rurale de Korhogo (ARK) qui s’intéresse depuis plusieurs années à la problématique foncière dans le cadre des initiatives menées par les partenaires au développement dans le Nord de la Côte d’Ivoire en appui à l’autopromotion des communautés villageoises.

Elle invite l’ensemble des acteurs (chercheurs, société civile…) à œuvrer davantage sur la thématique du foncier. Car les prochaines crises en Côte d’Ivoire sont susceptibles d’être influencées par le foncier. Pour l’heure dans la zone nord, de graves conflits ont été observés dans les villages de Torgokaha, Dokaha, Kassoumgbarga (affaires en justice).

Cette séance de partage d’expérience s’est achevée avec celle de l’ONG Belge Verbatims présenté par Jean Bosson Kouamé dont la méthodologie consiste à former les acteurs à la prévention et à la gestion des conflits identitaires. L’originalité de l’ONG est d’aborder les questions identitaires à la racine par une réflexion en profondeur sur ce qu’est l’identité sociale d’un individu donc sur ce qu’est une ethnie, la représentation de soi et des autres. L’accent est mis sur les risques de manipulation de la dimension ethnique ou religieuse de l’identité.

On peut retenir entre autres projets réalisés dans le cadre de la prévention et la gestion des conflits identitaires :

Les échanges ont été essentiellement des contributions faites par les participants à la suite du partage des expériences.

Le panel 4 qui s’est tenu dans l’après-midi a porté sur « Méthodologie de travail d’ARGA sur le foncier rural »animé par le Coordonnateur régional de l’ARGA M. Assane Mbaye qui s’est appuyé sur la collecte d’expérience sur le foncier réalisée au Mali pour présenter le système de gouvernance foncière que les outils et méthodes de l’Alliance ont permis de produire dans la durée. Un système de gouvernance que l’ARGA et l’UPGC comptent expérimenter en Côte d’Ivoire à partir de 2017 à travers une série d’activités.

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