Mobilisation et participation des populations à la gestion des affaires locales

L’exemple des "Koogônda" dans la commune de Titao (dans le Nord du Bukina Faso)

Dans le cadre de la collecte des expériences novatrices d’accompagnement de la décentralisation au Burkina Faso, le Laboratoire Citoyennetés et le R/MARP ont initié une mission conjointe dans la commune de Titao le vendredi 3 novembre dernier.

Pour rappel l’expérience des koogônda a été évoquée lors de l’atelier de Ouahigouya sur une l’élaboration d’une stratégie d’accompagnement de la décentralisation au Burkina, comme une expérience novatrice d’appui au conseil municipal par les populations. Celles se sont organisées en structures de base pour faire des propositions et soutenir les initiatives de développement de la Commune de Titao.

Il s’agissait donc pour la mission de mieux connaître l’expérience notamment l’origine de cette initiative, les missions, le statut des membres et les critères de leur désignation, l’organisation et le fonctionnement des Koogônba, leurs modes d’actions, les rapports avec l’équipe municipale, les réalisations, les limites, les enseignements des premières années d’existences et les perspectives avec le nouveau conseil municipal.

L’origine de l’initiative

L’initiative des Koogônda a été prise par un groupe de trois personnes au lendemain des élections municipales de Septembre 2000. La ville de Titao venait d’être érigées en commune urbaine. L’idée de base formulée était donc de construire un cadre de mobilisation des populations à la base en vue d’apporter des propositions et de soutenir l’action du nouveau conseil municipal.

Ensuite, elle a fait son petit bonhomme de chemin et des personnes ressources (des femmes, des jeunes et des personnes d’un certains âges – « les anciens » ) ont été contactées et mobilisées autour de l’initiative.

Enfin, le groupe a approché le conseil municipal, qui organisé une rencontre avec les initiateurs pour s’accorder sur le principes et modes d’organisations et de fonctionnement. En sa séance du 27 Novembre 2002, soit deux ans après la mise en place du conseil municipal, ce dernier a adopté un décret portant création des Koogônda.

Les missions des Koogônda

Selon le titre I (préambule) du décret de création, il a été institué dans chaque secteur une structure dénommée Koogônda « pour assurer un développement cohérent et harmonieux de la commune de Titao » .

Les Koogônda ont pour mission « d’assurer la coordination des action de développement au niveau du secteur. Ace titre, il est chargé de la mobilisation et de la conscientisation de la population afin qu’elle participe à l’élaboration du programme de développement du secteur, à la mise en œuvre de ce programme ; au suivi et à l’évaluation des activités en conformité avec le Plan de développement communal. » (Article 1 du décret de création)

Les Koogônda sont tenus informé de toute initiative de développement conduite dans le secteur par tout partenaire. Il constitue « l’interface entre le secteur et le conseil municipal d’une part et entre le secteur et les structures d’appui d’autre part. » (article 2). Il est habilité à rechercher des financements pour la réalisation de projets du secteur.

Enfin le Koogônda est investi de la mission de sensibiliser les populations pour un meilleur recouvrement des recettes fiscales et une participation active aux initiatives de développement de la commune et du secteur. Il veille à la mise en place des structures de gestion des infrastructures existantes et leur entretien pour une rentabilité sociale et économique. (Art.3, 4 et 5).

Organisation et fonctionnement

De façon globale, l’organisation et le fonctionnement des Koogônda sont régis par le décret de création. Des statut et règlement intérieurs ont été rédigés pour renforcer les dispositions réglementaires prévus par ce décret.

L’organisation des Koogônda est en structurée en deux instances essentielles : une instance d’orientation et de décision (Assemblée générale) et une instance exécutive (le Bureau).

L’instance d’orientation et de décision comprend tous les résidents du secteur désirant apporter leur contribution au processus de développement de la commune. Elle statue sur toutes les questions et initiative de développement, examine et approuve les programmes d’activités, les budgets, valide ou sanction les rapports financiers et d’activités. Elle se réunit deux fois par an en sessions ordinaire avec une possibilité de sessions extraordinaires sur convocation du président ou des 2/3 des membres du Bureau.

L’instance exécutive est un bureau composé de 16 membres dont les trois conseillers élus du secteur qui en assurent de droit les fonctions de Président, de Secrétaire général et de trésorier. Les 13 autres membres du Bureau sont désignés selon des critères propres à chaque secteur mais tenant compte de leurs compétences, probité morales, légitimités et aussi de la capacité de médiation sociale. Ils sont désignés par les autres résidents du secteur. Il n’y a pas eu d’élection parce que les populations n’auraient jugé utile de le faire. « les gens se connaissent ici et ils savent qui peut valablement les représenter et parler en leur nom. » La désignation des membres se fait sans distinction d’appartenance politique ou de classe sociale.

En ce qui concerne le fonctionnement, chaque Koogônda de secteur initie ses actions de développement et conduit les initiatives confiées par le Conseil municipal. Il est essentiellement géré par le Bureau qui est tenu de rendre compte trimestriellement de ses activités au conseil municipal et à l’Assemblée générale.

Des activités et acquis des Koogônda après quatre ans d’existence

Nés dans la dynamique de la mise en place du conseil municipal, les Koogônda se veulent une initiative émanant de la base et traduisant la volonté des populations de participer à la gestion de leur collectivité. Les principales activités menées en 4 ans peuvent se résumer en quatre grandes catégorie : contribuer à une bonne circulation entre l’administration et les administrés pour une appropriation sociale des initiatives de développement, contribuer à la résolutions des conflits surtout fonciers, recenser et transmettre aux édiles locaux les préoccupations, aspirations des citoyens et vice-versa et enfin veiller et participer à la réalisation des actions de développement en conformité avec le Plan de développement communal.

Contribution à une bonne circulation de l’information et appropriation sociale de plan de développement communal.

Pour Hadja… la création des Koogônda a pour objectif de créer les conditions d’une entente entre la nouvelle équipe municipale qui venait d’être installée et les citoyens qui l’ont élue. Une telle entente passe, de son point de vue, par la transparence à savoir donner régulièrement l’information sur toute initiative à ceux qui sont censés en être les bénéficiaires. « Tant que c’est pour construire la ville, il n’ y a pas de raison que quelqu’un soit contre. Il faut que chacun sache qui ce est prévu et ce qu’il peut apporter » .

La première activité des koogônda consiste à être à l’écoute des populations dans les secteurs de la commune, les recenser, les mettre en débats en Assemblée générale et les traduire sous forme de programme à soumettre au conseil municipal. Ces programmes par secteur doivent permettre au conseil de les intégrer dans le plan de développement communal. En tant qu’interface entre le secteur, le conseil municipal et les partenaires au développement, les Koogônda ont pour principale mission de veiller à une bonne circulation de l’information entre les différents acteurs du développement local. Il s’agit ici de faire en sorte que les populations des secteurs soient constamment de toutes les initiatives du conseil municipal. En retour, ils doivent faire en sorte que les informations émanant de la base puissent être remontées au niveau du conseil municipal afin que celui puisse en tenir compte dans son action quotidienne. Cela permet aux citoyens de s’approprier ces initiatives et de les porter. Ainsi, des actions d’assainissement ont été initié et mis en œuvre par les Koogônda qui ont sensibilisé les populations sur la nécessité d’aider le conseil municipal à rendre la ville propre, notamment le nettoyages des services publics comme le centre médical, le curage des caniveaux, etc.

Recenser et faire remonter les préoccupations des à l’exécutif local

La fonction d’interface des Koogônda ne concerne pas seulement la diffusion des informations. Il est attendu de ces derniers, le recensement, le partage et la mise en débat des préoccupations de la base. La mise en débat des différentes préoccupations dans les secteurs à travers les Assemblées générales permet d’opérer des tris, de les hiérarchiser par priorité et de les transmettre au conseil municipal. Par exemple, les Koogônda mettent à l’actif de cette pratique le projet d’électrification de la commune actuellement en chantier, la construction de l’abattoir communal, de certaines écoles primaires réalisées sous le mandat du conseil sortant.

D’autres propositions des Koogônda seraient également prises en compte dans le programme du conseil entrant. Il s’agit de la construction du marché, de l’amélioration de l’offre de service en matière d’accès à l’eau potable, de la construction d’une autogare.

Cette information est confirmée par Mme Aminata Komi, deuxième adjointe au Maire.

Résolution des conflits

Les Koogônda assure aussi une fonction de médiation dans les conflits sociaux. Selon le Président des Koogônda du secteur 6, il faut « faire une distinction entre les réalisations physiques et visibles et celles qui ne sont pas visibles à l’œil nu. Il y a eu des situations ici que nous avons géré sans que les protagonistes n’aient besoin de recourir à la justice ou à la police. » Pour les Koogônda, ils sont sollicités par les populations pour la résolutions de conflits sociaux et fonciers notamment des conflits entre agriculteurs et éleveurs, des problèmes de propriété terriennes et d’autres problèmes « qui auraient provoquer de grands remous » . Les Koogônda ont travaillé à créer un climat propice de collaboration entre décideurs et citoyens. Ils mettent à leur actif, le climat de paix et de stabilité qui a marqué le premier mandat municipal.

 

Les fonctions de mobilisation et de veille

L’une des missions principales de Koogônda est la mobilisation des volontés et des capacités au service du développement de la commune. C’est sur les Koogônda que le conseil municipal se repose lorsqu’il faut mobiliser l’ensemble de la population. Cette mobilisation concerne non seulement l’évènementiel que la réalisation d’infrastructures socioéconomiques. Elle concerne aussi la mobilisation des ressources. En effet, le décret de création donne mandat aux Koogônda de sensibiliser les populations pour le recouvrement des taxes.

Par exemple, les Koogônda disent sensibiliser certains revendeurs de céréales de ne plus intercepter les villageois dans la brousse pour racheter les produits. Pour eux, les grossiste qui basés dans la ville qui paient des taxes et il faut les encourager en empêchant d’autres de contourner la loi et se faire de l’argent sans reverser les taxes à la communes.

Ensuite face à l’insécurité, les Koogônda ont contribué à la mise en place de groupes d’autoprotection chargés d’assurer la sécurité des personnes et des biens.

Enfin, ils ont la charge de veiller à la bonne exécution des travaux d’intérêts publics en conformité avec le PDC.

Entre engagements et dénuement

Les membres des Koogônda affirment être fiers d’apporter leur contribution à la construction de la maison commune. Toutefois, pour honorer nos engagements, nous avons besoins de moyens que nous ne disposons pas. Le maire et son équipe sont de leur point de vue de bonne volonté mais les moyens ne suffisent. Les Koogônda n’ont pas de caisse qu’ils gèrent et les membres ne cotisent pas pour leurs fonctionnement. Car, les populations seraient dans un état de dénuement qu’ils n’osent pas solliciter des contributions à tout le monde. Cependant, certaines bonnes volontés apportent des contributions pour la réalisation d’activités. Naturellement un appel est lancé à tout ce qui peut les soutenir.

Ils disent vouloir discuter avec le nouveau conseil municipal sur le fonctionnement de leurs structures notamment la prise en charges des déplacements et l’organisation des rencontres au niveau des secteurs.

Les membres des Koogônda souhaitent bénéficier de formation leur permettant de renforcer leurs capacités et compétences

Quel avenir pour les Koogônda avec la mise en place prochaines des CVD ?

Le code général des collectivités locales prévoit la mise en place de comités villageois de développement (CVD) pour accompagner les conseils municipaux dans la réalisation des initiatives de développement. Ces CVD assureront des missions que les Koogônda de Titao assurent déjà. Dans cette commune, les interrogations ne manquent pas quant à l’avenir de ces structures. Doivent-elles continuer à fonctionner à côté des CVD ou disparaître ? Ou encore les Koogônda doivent-ils se muer en CVD ? Ce sont autant de questions que d’aucuns se posent à Titao. En tout cas les membres disent être à l’écoute et respecteraient la décision qui sera prise. « Puisque c’est la loi, nous ne pouvons que suivre » . Dans tous les cas, si les Koogônda doivent se muer en CVD, certains membres notamment les conseillers qui y occupent les premiers postes de responsabilité en seront exclus puisque le code ne permet pas aux conseillers d’être membres des CVD.

Commentaires

Cette expérience des Koogônda est sans conteste une innovation dans le fonctionnement des conseils municipaux. Ces structures sont des relais de l’exécutif local dans les secteurs et contribuent la mobilisation des acteurs autour du programme communal de développement. L’utilité sociale de telles structures est donc manifeste. L’on constate que la commune de Titao a devancé le code général des collectivités locales en inventant une autre forme de CVD.

Cependant, ces structures n’assurent pas véritablement le contrôle de l’action publique locale. La présence et même la prépondérance des conseillers municipaux dans ces structures en font plus des instruments de l’exécutif local que des structures indépendantes capables d’interpeller les élus locaux sur certaines insuffisances dans la gestion des affaires locales.

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