Extraction des ressources minières, justice sociale et résolution des conflits

Dialogue sur l’extraction du phosphate au Togo

L’homme, en tant qu’être social par essence, se trouve confronté à deux réalités immanentes. D’une part, le politique étant consubstantiel à toute société humaine, il n’y a pas de structure sociale sans structure politique. Inhérente à tout groupe humain, la Cité est voulue par la nature, selon le principe énoncé par Aristote que l’homme est un « animal politique ». C’est « une nécessité inhérente à la vie sociale…on ne peut pas penser le social sans le politique : en d’autres termes, il n’y a pas de société sans pouvoir ». (P. Clastres). Or, il n’y a pas de pouvoir sans hiérarchie et sans rapport inégaux entre individus ou groupes d’individus. Les inégalités sont donc liées à la vie en société.

D’autre par, l’idée du conflit est lié à la vie en société, eu égard aux calculs, aux intérêts qui caractérisent les rapports humains. Dans la recherche de l’équilibre entre la volonté de pouvoir et le désir de liberté, le conflit est inévitable. Vivre ensemble, c’est accepter le conflit. L’anthropologie contemporaine a d’ailleurs établi la permanence du conflit dans tout espace sociopolitique. En tout cas, l’homme s’est toujours battu pour le pouvoir, contre la rareté et autour de la propriété ou du contrôle de ressources (terre, arbres fruitiers, eau, pâturage, etc.).

L’enjeu dans la réflexion sur le conflit dans les sociétés humaines n’est donc pas la recherche d’une société sans conflit, mais les mécanismes visant à le prévenir ou à le gérer, le cas échéant. Les conflits font partie des problèmes de toute société humaine, étant entendu qu’une société sans problème est une société morte. Les sociétés ou les Etats les plus stables aujourd’hui sont ceux qui ont développé une capacité éprouvée dans le domaine de la prévention et de la gestion des conflits qui les traversent.

Face à ces deux réalités implacables, la justice s’efforce tant bien que mal à appliquer le droit tout en veillant à l’égalité de traitement des individus devant la loi. Mais la seule application de la justice sur son principe d’égal traitement de tous, suffit-elle à assurer la cohésion et la paix sociale surtout dans un contexte où les conflits sont exacerbés par la course effrénée aux ressources minières ?

A cette interrogation et au regard des événements en République Démocratique du Congo, des enlèvements au Niger, des attaques répétées dans le Delta du Niger (Nigéria) et l’actualité qui remonte des zones d’exploitation des phosphates au Togo, actualité fortement relayée par les médias, nous restons dubitatifs. Dans tous les cas, la problématique de la gouvernance des ressources minières est clairement posée en Afrique et au Togo.

Pour tenter d’y répondre, partant de l’assertion selon laquelle la seule justice vu du point de vue de l’égalité est inefficace dans la quête de la cohésion et de la paix sociale, la seule issue reste l’autre principe de la justice, l’équité. La notion d’équité renvoie à l’idée de justice selon laquelle « il faut juger et traiter de manière égale des situations identiques mais accorder des droits spécifiques aux groupes sociaux dont la situation est jugée désavantageuse. C’est une égalité proportionnée à la situation des individus ». Pour Raymond Guillien et Jean Vincent, « l’équité est la réalisation suprême de la justice, allant parfois au-delà de ce que prescrit la loi ». L’un des enjeux sous-jacent de l’équité est la justice sociale. En matière de la gouvernance des ressources minières, la justice sociale s’offre comme un mécanisme privilégié permettant d’éviter que les zones d’exploitation minière constituent une menace pour la démocratie et la paix sociale au Togo. Elle pourra fonctionner comme une digue, un rempart contre le libéralisme pur et dur.

Après avoir tenté d’apporter quelques clarifications sur la notion de justice sociale (1), nous essayerons de nous pencher sur les causes des conflits dans les zones d’exploitation des phosphates (2) avant d’esquisser quelques propositions en vue du règlement des conflits et l’instauration de la justice sociale (3) dans les zones d’exploitation minière au Togo.

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