Accessibilité aux spécialistes, exception ou privilège ?

Une prestation de classe !

Les maîtres coraniques de Nioro du Rip (Sénégal) se sont regroupés en août 2008 en association – «Dooléel Daara»- qui constitue à tous égards un rassemblement de leaders d’opinion au niveau local. Conscients de leur légitimité historico religieuse, ils ont pu obtenir auprès des autorités exécutives, des structures décentralisées et des services déconcentrés la prise en charge de leurs talibés (élève de l’école coranique) en termes de consultations, de soins de santé de base, etc. dans les différents centres de santé de la place. Au même titre que les élèves des écoles du système éducatif officiel de langue française.

C’est ainsi que nos talibés malades se présentent simplement au dispensaire ou ailleurs, munis du cahier d’identification portant la signature du maître coranique : la seule condition pour être reçu et servi.

Mais, ces jours- ci, un de mes talibés, souffrant des maux d’oreille a connu un accueil inhabituel. En effet, il a été prié de payer la somme de 1000 francs pour se faire consulter par le spécialiste d’ORL (les oreilles) du centre de santé de référence de NIORO. Avant de s’exécuter, il m’a tenu informé de cette mesure inédite, la gratuité des consultations étant jusque- là la règle d’or. Pour vérifier le bien fondé de l’information, j’ai téléphoné directement au spécialiste. La mesure s’est confirmée. Le fait que le médecin consultant soit un spécialiste et non un généraliste explique la somme exigible pour une telle consultation. Il nous avait été expliqué que cette mesure était générale et ne saurait souffrir de dérogation aucune. Fût-il un élève de l’école publique ! J’ai été édifié, satisfait de constater que la décision n’était pas discriminatoire. Sur ce plan, tout devient compréhensible.

Commentaires

En réalité, cette expérience est une illustration du déficit des personnels de haut niveau dans le secteur de la santé. Pour autant, les consultations primaires curatives devraient revêtir un caractère inclusif. A cet effet, doit-on relever la barre du barème des frais de consultations du simple fait qu’il s’agisse d’un spécialiste ? C’est comme si ces prestations étaient organisées sur la base d’une stratification sociale.

Autrement dit, un citoyen de conditions modestes peut être exclu de ce service en période de soudure, car censé ne pas disposer de cette somme. Or, tout citoyen a droit à être traité, fût-il par un spécialiste. Donc, il serait plus démocratique de fixer le barème des frais de consultations en fonction des tranches d’âges, des conditions sociales des groupes cibles et non en fonction de la qualification du personnel de santé. Par ailleurs, le spécialiste dans sa formation a bénéficié des moyens de l’argent du contribuable pour se parfaire. Ainsi, auréolé de son grade, il bénéficie d’une plus-value salariale par rapport aux autres catégories. Mais il doit mettre son savoir et son savoir- faire au service de tous dans la structure publique de santé. Ni lui, ni le comité de santé ne devaient cautionner les formes d’entraves à son accessibilité. Sinon, cela ressemblerait à un paquet de traitements à la carte, une santé de classe quoique la somme de 1000 francs paraîtrait insignifiante aux yeux de certains.

Notes

« Dooléel Daara» : termes wolof, « Appuyer les daaras » et les daaras sont les écoles coraniques fréquentées par des apprenants appelés talibés

Gouvernance légitime
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