Note de présentation et synthèse des études
Par
Falilou Mbacké Cissé
(Alliance pour Refonder la Gouvernance en Afrique)
Août 2007
L’Association Construisons Ensemble – Recherche sur les Citoyennetés en Transformation (ACE-RECIT), nouvellement appelée Laboratoire Citoyennetés, a organisé le 24 mai 2007 à Ouagadougou un atelier de capitalisation et de prospective à partir de recherches menées en dialogue avec les usagers et fournisseurs de services publics locaux.
Quatre communes – Sirakorola au Mali, Aguégués au Bénin, Say au Niger et Boromo au Burkina Faso – se sont engagées en 2006 avec la SNV, le Laboratoire Citoyennetés, Lasdel Bénin, Lasdel Niger et l’Institut des Sciences Humaines du Mali, dans la phase pilote d’un programme associant chercheurs et acteurs de terrain. Il s’agit d’apporter une contribution à l’amélioration des services publics locaux de la sous- région, dont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau et l’assainissement, contribution qui se veut ancrée dans les réalités locales africaines.
Cet atelier avait donc pour objectifs :
de partager et capitaliser les résultats de la phase pilote de la démarche
d’imaginer et de construire des propositions pour la suite de ce programme
Présentation de l’Atelier : « le service public local : son amélioration par le dialogue entre recherche et action dans quatre communes de l’Afrique de l’Ouest »
L’Association Construisons Ensemble – Recherche sur les Citoyennetés en Transformation (ACE-RECIT), nouvellement appelée Laboratoire Citoyennetés, a organisé le 24 mai 2007 à Ouagadougou un atelier de capitalisation et de prospective à partir de recherches menées en dialogue avec les usagers et fournisseurs de services publics locaux.
Quatre communes – Sirakorola au Mali, Aguégués au Bénin, Say au Niger et Boromo au Burkina Faso – se sont engagées en 2006 avec la SNV, le Laboratoire Citoyennetés, Lasdel Bénin, Lasdel Niger et l’Institut des Sciences Humaines du Mali, dans la phase pilote d’un programme associant chercheurs et acteurs de terrain. Il s’agit d’apporter une contribution à l’amélioration des services publics locaux de la sous- région, dont la santé, l’éducation, l’accès à l’eau et l’assainissement, contribution qui se veut ancrée dans les réalités locales africaines.
Les recherches de nature socio- anthropologique ont été conduites sur l’interface entre l’offre et la demande de services publics. L’objectif est de comprendre le contexte, les réalités, les attentes et les perceptions tant du coté des fournisseurs que du coté des usagers des services publics au niveau local.
Les résultats des recherches doivent aider les maires, les acteurs locaux et leurs appuis techniques et financiers à mieux gérer ces attentes, orchestrer l’offre et mobiliser les moyens, tout en maintenant le portage politique, administratif et social nécessaire. Pour cela les études ont été menées sous maîtrise d’ouvrage des communes engagées et en dialogue avec les acteurs.
L’atelier de mai 2007 avait pour objectifs :
de partager et capitaliser les résultats de la phase pilote de la démarche
d’imaginer et de construire des propositions pour la suite de ce programme
Cet atelier se voulait témoin d’une démarche innovatrice : l’interactivité entre les savoirs, les points de vue des chercheurs et des acteurs locaux, pour engendrer une évolution des services publics portée par les acteurs communaux.
Le projet relevait d’une gageure :
Elaborer et mener un programme de recherche et d’actions dans un temps très court (moins d’un an) avec une perspective de poursuivre le processus (3 ans) ;
Intervenir dans quatre communes de quatre pays différents ;
Analyser une thématique peu étudiée : la fourniture des services publics au niveau local ;
Conjuguer plusieurs ambitions : produire des recommandations nouvelles en direction des communes, appuyer les équipes locales de la SNV dans leur travail, mettre les équipes de chercheurs en dialogue avec les acteurs et susciter de nouvelles manières de voir et d’agir des acteurs des communes, des équipes de la SNV et des équipes de recherche;
Composer avec un contexte de construction administrative et politique des communes, peu réceptives à ce type d’intervention…
Au terme d’une première phase exploratoire, un atelier de deux jours (22 et 23 mai) devait permettre aux acteurs du programme de mutualiser les constats et les perspectives futures.
Il a été suivi, le 24 mai, d’une journée de partage des conclusions avec les parties prenantes aux processus de réformes – associations de municipalités, ministères chargés de la tutelle, ministères chargés des réformes, partenaires techniques et financiers.
Ces dernières vont pouvoir apprécier le potentiel des résultats et de la démarche, le mettre en parallèle avec leurs propres actions et donner leurs avis sur les propositions de suite du programme.
Le pari est-il tenu ?
Les résultats au plan « physique », sont essentiellement du papier : quatre rapports d’études détaillant l’état des services publics dans les contextes qui en conditionnent la production, du point de vue de l’offre et du point de vue de la demande.
Les quatre rapports de la recherche sont disponibles sur le site du Laboratoire Citoyennetés : www.ace-recit.org
Ces rapports sont denses, variés dans leur forme, mais tous les quatre de grande qualité.
Ils ne se contentent pas d’un descriptif des services mais analysent les conditions de leur production à travers une grille articulant différentes « écoles » d’anthropologie. La méthode utilisée montre à cet égard une illustration de nouvelles manières « d’observer » et de « réfléchir » sur ces réalités.
Sur le fond, un certain nombre d’analogies fortes confirment les hypothèses de départ notamment l’hypothèse centrale : « la commune (est pensée par les acteurs de l’aide) comme un niveau complet de gestion administrative et de fourniture de service alors que ses compétences légales, administratives et financières sont fortement limitées », à travers toute une série de difficultés et manques constatés :
les difficultés du transfert des compétences aux communes ;
le manque de moyens minimum entraînant une externalisation du fonctionnement, par substitution ;
l’absentéisme contraint ou voulu des élus ;
les conflits de compétences entre services publics déconcentrés (sociétés d’Etat notamment) et communes ou cadres de la décentralisation ;
les effets locaux de politiques nationales et les effets locaux des luttes partisanes ou factionnelles sur l’inégalité d’accès aux services ;
le développement d’une demande parfois disproportionnée par rapport aux capacités des communes ;
le report sur les populations d’un certain nombre de frais pour la mise en place et l’entretien des services de base…
Elle est confirmée aussi de manière plus positive à travers toute une série de « bricolages » institutionnels avec d’autres composantes de la société :
participation de la commune aux « projets » seulement là où les villages ont payé leur impôt (Say) ;
certaines communes prévoient un pourcentage de leur budget pour le fonctionnement de la préfecture (Say) ;
le Conseil communal associe les anciens de la représentation locale du parti communiste aux les équipes de perception de taxes (Aguégués) ;
la commune des Aguégués a pris l’initiative de payer la contrepartie communautaire en lieu et place des populations pour l’obtention de forages au profit de toutes les localités qui n’en disposent pas encore ;
à Sirakorola, l’insuffisance de certains services en offre a conduit les usagers potentiels à s’organiser, en vue de produire une offre parallèle ou une offre de premier niveau (la sécurité, la justice dans le vestibule);
participation forte de certaines associations à la prise en compte de l’intérêt général : dans le domaine de la salubrité, de la lutte pour la protection des droits des consommateur, … (Say)
Un second faisceau d’hypothèses relatives au marché des services est largement confirmée également :
« Il n’y a pas forcément recoupement entre offre et demande : il y a à la fois des offres qui ne trouvent pas leurs demandes et des demandes qui ne trouvent pas leurs offres. » ;
« Entre l’offre officielle et la demande, apparaissent des objets de compromis (une offre de seconde qualité, « adaptable », qui paraît bien suffisante aux usagers dans l’état actuel de leurs besoins ».
Les usagers utilisent les services de manière ponctuelle en fonction d’un problème précis à résoudre et sans s’approprier l’ensemble du référentiel qui les fonde ; Les usagers utilisent les services selon une logique opportuniste, en fonction de leurs intérêts personnels et pour résoudre les problèmes tels qu’ils les perçoivent au moment où ils les perçoivent (Boromo) ; l’absence de cohérence des services autour d’objectifs communs, qui placerait par exemple l’intérêt de l’usager au centre du processus (Boromo) ; En dehors des services de type régulier dont la demande est relativement faible par rapport à l’offre, les services fournis par la commune tiennent peu ou pas compte de la demande sociale (Say) ; l’offre se produit quelquefois, dans des conditions en parfaite contradiction avec les normes officielles et assiste plutôt à la production d’autres normes qui viennent justifier ces pratiques et pérenniser l’institution (Sirakorola).
Des pistes d’action
Les résultats résumés ci-dessus ouvrent des pistes d’actions, de thèmes de forums et des questions de recherche, qui seront formulés par les parties prenantes au processus le 22 et 23 mai pour être présentés et discutés au cours de la journée du 24 mai.
En vue de faciliter la discussion, les pistes d’action qui se dessinent sont regroupées en quatre catégories :
1. Pistes d’action relatives aux fondements du processus de décentralisation (Comment améliorer le cadre politique global de fourniture de services publics locaux ?)
Comment mettre l’usager au centre des démarches de développement institutionnel ? Quelles conditions institutionnelles favoriseront la formulation de politiques et surtout de stratégies de mise en oeuvre basées sur une analyse approfondie des référentiels des fournisseurs et des usagers, en tenant compte des chaînes de service tant sectorielles que territoriales ?
Est-il utile de développer des guides d’élaboration des normes pour le niveau national, déconcentré et décentralisé et, en miroir, des guides à l’intention des usagers, organisés par problème spécifique ?
Comment ancrer la formulation des indicateurs statistiques de suivi d’appui budgétaire dans les réalités locales ? Comment faciliter le dialogue micro-macro autour de ces indicateurs ? Comment mobiliser la recherche participative pour compléter le suivi quantitatif de l’évolution de ces indicateurs avec un suivi qualitatif des causes possibles des évolutions constatées pour informer les politiques nationales ?
2. Pistes d’action d’ordre institutionnel (Comment améliorer les interfaces et mécanismes institutionnels pour une fourniture de services publics locaux plus efficace ?)
Faut-il revoir les outils et démarches d’analyse institutionnelle et organisationnelle au niveau local ?
Quel est au niveau déconcentré et décentralisé, mais surtout au niveau de l’interaction fonctionnaire - usager, l’espace discrétionnaire minimal souhaitable pour un service donné pour pouvoir agir en situation et maximal nécessaire pour atteindre les objectifs du législateur ?
3. Pistes d’action relatives aux appuis (financiers et techniques) des partenaires (Comment améliorer les stratégies d’appui et modalités d’intervention en matière de services publics locaux ?)
Faut-il concevoir l’appui de manière plus globale à la fois par rapport aux thématiques retenues, aux catégories d’acteurs institutionnels impliqués et aux contextes nationaux qui conditionnent l’évolution des capacités du « local » ? En particulier, accorder de l’importance à la construction et reconnaissance respective des « sujets de droit » (commune et usagers) à travers l’appui au développement d’un droit beaucoup plus appliqué ?
Faut-il articuler le « soft » 6 avec un minimum de moyens 7 ?
Comment formuler des indicateurs permettant à une organisation d’appui technique à la gouvernance de renseigner l’apprentissage mutuel des acteurs aux niveaux institutionnel, organisationnel et individuel et de rendre compte de sa contribution ?
Faut-il trouver des modalités de financement permettant un horizon plus long et une gestion plus appropriée de la démarche par exemple par la création d’un fonds commun avec la participation de différents bailleurs de fonds ?
4. Pistes d’action concernant le suivi du processus de recherches et d’action (Quelle est l’étape suivante ? Comment poursuivre et renforcer le dialogue entre recherche et action ?)
Faut-il, riche de cette première expérience, répéter la démarche dans d’autres communes avec une plus grande implication des acteurs locaux dans la formulation des hypothèses et des questions de recherche ?
Quels moyens réunir et quels partenariat pour poursuivre ce travail ?
Faut-il trouver des montages de programme qui assurent une plus grande implication des parties prenantes aux réformes et au développement institutionnel dans le choix des thèmes de recherche, une participation plus ouvertes de chercheurs de la sous - région (par exemple sur invitation annuelle de propositions à apprécier par un panel scientifique et technique8)