Conflit d’intérêt entre administration et organisation non gouvernementale

Depuis 1985, le Réseau Africain pour le Développement Intégré (RADI) développe un programme de santé. Ce programme consiste à la construction de cases de santé, leur équipement et la formation de matrones et d’auxiliaires de soins de santé. Pour accompagner ce programme et éviter la rupture de fonds de roulement une activité maraîchère et de culture sous pluies est parallèlement menée pour pérenniser la structure et, plus tard, laisser sa totale gestion aux populations. Ce programme avait jusque là profité à la localité de Mbour et environs.

Dans la ville de Mékhé, le RADI a installé sa base d’opérations puisque cette localité compte plus de 80 cases de santé. Face à la forte demande, il développe des programmes macro intégrés contenant un volet santé, avec des fédérations autour des villages. Le cadre de concertation et de recherche-action initié à cet effet souffrait d’un déficit sur le plan de la santé. En effet l’équipe n’avait pas un technicien de santé, il fallait donc procéder à un recrutement.

L’infirmier recruté a pour mission de coordonner la mise en place, l’organisation et le fonctionnement des structures de santé initiées par le RADI, en plus de ses activités d’information, d’éducation et de communication. A priori il n’est donc pas destiné à prodiguer des soins de santé.

Mékhé est l’une des plus grandes communes du Sénégal et il polarise beaucoup de communautés rurales ; cependant il ne dispose que d’un centre hospitalier et d’un poste de santé, le dispensaire municipal, commencé depuis longtemps, n’est pas encore achevé, faute de moyens. Cette situation a engendré une demande sanitaire supérieure à l’offre.

L’hivernage passé, la ville avait connu un pic de paludisme. Au début, l’infirmier a manifesté sa disponibilité à traiter le personnel de l’organisation non gouvernementale RADI et leur famille de la manière la plus informelle.

Les résultats obtenus ont été excellents et se sont répandus comme une traînée de poudre et les populations ont commencé à fréquenter l’infirmier qui n’avait pas pris toutes les dispositions matérielles pour les accueillir. Devant cette situation le RADI, qui jusque là n’intervenait pas à Mékhé dans la mesure où son action portait sur la zone rurale, s’est vu obligé de réagir. C’est ainsi qu’une structure sanitaire sera mise sur pied pour satisfaire cette demande pressante. Une autorisation est obtenue du médecin chef de district et un rapport périodique, selon un modèle fourni par le médecin chef, est régulièrement envoyé.

La qualité des soins et leur coût plus réduit - 50 francs contre 200 pour les enfants et 100 francs contre 500 pour les adultes - ajoutés aux médicaments cédés à leur prix de revient crée une très grande affluence au niveau du nouveau dispensaire au détriment des autres structures de santé de la ville. Ces dernières voient leur chiffre d’affaires baisser au grand dam des comités de santé chargés de la gestion des structures sanitaires de la commune. Il faut dire que ces comités sont comme un patrimoine de deux « grandes » familles de la ville.

Sous la pression de ces deux familles et de deux anciennes infirmières, le médecin chef qui en est à son premier poste n’a pas trouvé mieux que de demander la fermeture de la nouvelle structure. Une lettre est exigée à cet effet et obtenue. Elle est le fruit d’un lobbying entre le préfet, le gouverneur et le médecin chef régional. Les populations se retrouvent alors sevrées de ces soins de qualité à moindre coût malgré la grande mobilisation dont elles ont fait montre pour préserver cette aubaine.

En effet depuis la première sommation du médecin elles se sont dressées comme un seul homme pour mobiliser les hommes politiques de la localité autour de leur cause. Les médias ont été mis à contribution et Mékhé a connu la première marche de son histoire qui a vu une pétition remise au maire pour le maintien de la nouvelle structure sanitaire. Cette marche des jeunes est suivie par une autre manifestation nocturne organisée cette fois ci par les femmes.

Lors de l’inauguration de deux postes de santé réalisés par le RADI les populations ont exigé d’être reçues sur la question par le ministre de la santé qui présidait l’activité. Ils ont convenu de la réouverture du dispensaire sous réserve d’une reprise de la procédure d’autorisation d’ouverture d’une structure sanitaire et une harmonisation des prix avec ceux pratiqués par les autres structures de santé de la ville.

Notes

L’auteur est membre du Réseau Africain pour le Développement Intégré

BP 49 Mekhe Téléphone : 00 221 955 51 23 00 221 955 52 50 E-mail : radimekhe @telecomplus.sn

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