La difficulté de la délivrance de la justice officielle dans les sociétés nomades de Kidal.

La ville de Kidal, chef lieu de la huitième région administrative du Mali est située au Nord du pays. Elle a une population estimée à 25 000 habitants, pour une superficie de 10 000km2, soit une densité de 3 habitants au km2. Cette population est constituée essentiellement de kel tamacheqs réparties en quarante fractions. Juridiquement, la fraction est composée de cent familles qui désignent à leur tête un chef de fraction et cinq conseillers.

On dénombre également dans la ville de Kidal la présence de plusieurs groupes ethniques à savoir : les maures, les sonrhaïs, les bambaras, etc. La principale activité de cette localité demeure l’élevage de type transhumant de camelins, de caprins et d’ovins. Toutefois, il faut noter que le commerce et l’artisanat s’y développent de façon satisfaisante. La principale religion dans cette localité est l’islam.

A Kidal, il existe deux mécanismes de délivrance de la justice. Il s’agit d’une part de la justice traditionnelle et d’autre part justice officielle. Très souvent elles collaborent ensemble dans le règlement des conflits. En général quand un problème insoluble se pose aux juges de Kidal, ceux- ci le renvoient au niveau des autorités traditionnelles de la ville. Le mode de vie des populations locales est basé sur le nomadisme. Cela leur pose des problèmes lorsqu’elles sont confrontées à une action en justice dont le règlement peut prendre de longues années. Au cours de l’année 2008, un éleveur de la fraction Idhabaylalan I a déposé une plainte en justice contre un autre éleveur de la fraction Ibathanatan qu’il a accusé d’être en possession illégale de deux de ses chameaux. L’éleveur accusé de vol prétendait avoir acheté les animaux objets du litige avec un autre éleveur.

Les autorités judiciaires ont géré ce différend selon la procédure habituelle. Celle ci aux yeux des éleveurs semblaient prendre du temps. Il faut dire que les éleveurs dans la pratique de leur activité n’ont pas l’habitude de perdre de temps loin de leurs animaux. Le fait de rester éloignés pendant longtemps de leurs animaux risque de leur causer des désagréments à savoir : l’accès de leurs animaux aux ressources végétales et hydrauliques. Convaincu que la lenteur de l’administration judiciaire lui sera fatale, le plaignant a retiré la plainte qu’il a déposé au niveau de a justice et est allé porter plainte chez le cadi de la ville.

Dès qu’un problème est posé chez le cadi, ce dernier étant conscient des contraintes liées aux réalités locales intervient immédiatement en vue de son règlement. Après avoir recueilli des témoignages divergents et fait mener une investigation par des personnes créditées de bonne moralité, pour régler le litige qui lui est soumis, le cadi a réuni les deux parties. Etant donné que les vols ou les pertes d’animaux sont permanents dans la zone, et que les éleveurs ont l’habitude d’identifier leurs animaux à travers des marques qu’ils mettent en général sur la jambe droite des animaux, le cadi a donc basé son jugement sur cette norme coutumière locale connue de tous les éleveurs. Ainsi, après avoir minutieusement analysé les marques sur les jambes des animaux objets du litige, il a réalisé que ces derniers portaient deux marques. Pour rendre son jugement, comme il est de coutume, quand deux marques sont portées sur des animaux litigieux, il s’est référé sur la plus ancienne. A partir de cette preuve le cadi a décidé de restituer les animaux à leur véritable propriétaire, car les marques sur ces derniers correspondaient à celle qu’il avait sur le reste de ses animaux. A cela, il faut ajouter les autres preuves que ce dernier a apportées. L’autre éleveur quant à lui, prétendait avoir acheté les animaux avec un éleveur qui est resté introuvable. Conscient des règlements coutumiers applicables en pareille situation, l’éleveur de la fraction Ibathanatan, a accepté le verdict du cadi et a rendu les animaux à l’autre protagoniste. Le litige a été définitivement résolu, il n’a plus resurgi.

Comments

La justice traditionnelle dans certains cas est plus efficace que la justice officielle car elle tient compte des réalités locales.

Notes

Cette fiche est issue de l’entretien avec Monsieur Kaida HARBERT, résident à Kidal (Mali).La supervision a été assurée par Monsieur Djibonding DEMBELE (correspondant thématique) et par Madame Néné KONATE (Médiatrice de l’ARGA/ Mali).

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