Le rôle de l’UEMOA dans la promotion des pôles de croissance et de développement durable au niveau communautaire : enseignements pour le Togo

La problématique des pôles de croissance et de développement dans les pays du Sud est récurrente.

Dans le cas des pays de l’UEMOA, le constat d’échec après trente années d’ajustement structurel est patent. La plongée sans filet de sécurité dans la mondialisation néolibérale a montré ses limites, en même temps que la proximité des structures économiques au sein de l’Union a fait émerger la nécessité de valoriser la « neuvième économie » c’est-à-dire la promotion des externalités positives issues de l’appartenance des huit Etats de l’UEMOA à une même entité géographique, une langue de travail commune, le français, (à l’exception de la Guinée-Bissau qui est lusophone) et une monnaie unique en partage, le franc CFA.C’est dans cette optique que les instances de l’UEMOA ont lancé d’énormes Politiques et Programmes, avec comme préoccupation essentielle de contribuer à faire de la zone UEMOA, un espace d’émergence économique et de progrès social fondé sur une solidarité accrue entre les différents Etats-membres.

Texte complet

Introduction

La problématique des pôles de croissance et de développement dans les pays du Sud est récurrente. Elle a marqué les débuts de l’économie du développement sous l’égide d’auteurs comme François Perroux, Albert Hirschman et Gérard de Bernis, parmi d’autres. Elle a été remise au goût du jour après une longue période de léthargie par le biais de deux facteurs, l’un théorique, l’autre empirique.

Sur le plan théorique, les travaux de la Nouvelle Economie Géographique (Paul Krugman) ont mis en évidence la rationalité et la pertinence d’une démarche de promotion de pôles de croissance profitant d’effets de synergies et d’externalités positives issus notamment de la proximité spatiale d’un certain nombre d’activités, d’entreprises, d’universités, de centres de recherches et de savoir-faire. Sur le plan empirique, le miracle des économies émergentes dont le mode de croissance, illustré par ce qu’il est désormais convenu d’appeler le « monopole focal de gouvernance », constitue un véritable défi à la pensée économique orthodoxe fondée sur la toute puissance du marché autorégulateur, a mis en évidence la nécessité d’une approche pragmatique des voies idoines du développement.

Dans le cas des pays de l’UEMOA, le constat d’échec après trente années d’ajustement structurel est patent. La plongée sans filet de sécurité dans la mondialisation néolibérale a montré ses limites, en même temps que la proximité des structures économiques au sein de l’Union a fait émerger la nécessité de valoriser la « neuvième économie », c’est-à-dire la promotion des externalités positives issues de l’appartenance des huit Etats de l’UEMOA à une même entité géographique, une langue de travail commune, le français, (à l’exception de la Guinée-Bissau qui est lusophone) et une monnaie unique en partage, le franc CFA

C’est dans cette optique que les instances de l’UEMOA ont lancé d’énormes Politiques et Programmes, avec comme préoccupation essentielle de contribuer à faire de la zone UEMOA, un espace d’émergence économique et de progrès social fondé sur une solidarité accrue entre les différents Etats-membres.

L’objectif de cette communication est de présenter les principaux pôles de croissance soutenus par la Commission de l’UEMOA, en insistant sur les liens existant entre les initiatives régionales et les orientations politiques nationales.

La première partie de ce document présente la relation entre l’intégration régionale et la création des pôles de croissance. L’étude des cas spécifiques de promotion des pôles de croissance dans l’espace communautaire par la Commission de l’UEMOA permet dans la deuxième partie, de mettre en évidence les synergies existantes ou à rechercher entre le niveau régional et celui national.

I.Intégration régionale et création des pôles de croissance

Les motifs conduisant des Etats à participer à une intégration économique sont multiples, on peut répertorier sous quelques titres: la recherche d’un marché plus vaste pouvant permettre une plus grande efficacité de la production (économies d’échelle, effets externes, croissance endogène, etc.), la recherche d’une union politique permettant d’éviter des conflits récurrents et la recherche enfin d’une crédibilité extérieure de la politique économique menée par les autorités (et l’union régionale peut être alors un substitut à la dollarisation). Le choix des partenaires dépendra en partie de l’objectif prioritaire poursuivi par les autorités politiques, encore que l’existence de courants d’échange et la proximité (frontière commune) semblent presque toujours définir le choix du « partenaire naturel ».

La recherche d’un marché plus vaste pouvant permettre une plus grande efficacité de la production se retrouve systématiquement dans tous les manuels, et reste à la base des discussions consacrées aux effets attendus d’une intégration régionale

Dans une zone d’intégration, la croissance est intensité par l’existence d’économies d’échelles et des effets externes et se transmet à travers divers canaux, avec des effets différents pour l’ensemble des économies de l’espace communautaire.

L’existence d’une unité motrice (ou ensembles d’unités motrices) dans un pays produit des effets d’enchaînement (linkages) sur les autres activités distribuées dans le reste de l’espace géographique.

La performance de l’unité motrice dans un espace économique va produire des effets externes positifs. Bref, les unités motrices forment un espace polarisé et moteur. En général, les effets produisent des économies d’échelle « externes» et des localisations qui se transmettent dans toutes les régions de la zone économique intégrée. Par exemple, les effets d’agglomération de certains pays produisent des relations d’enchaînement productif en amont et en aval. Les effets en amont et aval vont s’étendre sur toute la structure de production de l’espace communautaire (agglomérations, effets techniques, transports) et sur le marché et la demande (impacts des innovations, changements des variables macroéconomiques, changements institutionnels et démographiques).

La croissance de l’unité motrice va définir la structure de production grâce à l’expansion de la rente régionale. Les centres de l’unité motrice produiront des effets d’enchaînements productifs susceptibles de stimuler l’économie des régions périphériques. S’ils intègrent la structure de production régionale, les effets créés spécialement pour l’unité motrice dénotent l’importance d’une politique du développement régional comme étant élément fondamental de la prévision et de la gestion du processus de la croissance économique des régions.

Cependant, dans le cadre d’une intégration régionale, l’existence de coûts et d’avantages comparatifs différenciés d’un pays à l’autre va conduire nécessairement à des déséquilibres de croissance, fondés très naturellement sur les différences d’élasticité revenu de la demande. Un pays ayant un avantage (régional) dans la production de biens à forte élasticité revenu verra son potentiel de croissance augmenter de manière mécanique, dès lors que les structures institutionnelles nationales et régionales ne s’opposeront pas à l’extension du marché de ses entreprises. Le risque est alors de voir apparaître une concentration de la croissance dans un ou deux pays membres de l’Union au détriment des autres. Le caractère « progressif » ou « régressif » de la spécialisation risque d’être renforcé au profit semble t’il du pays à dotation factorielle proche de la moyenne mondiale (Venables 1999 & 2000).

Du côté de l’offre, certaines industries semblent bénéficier de rendements croissants à l’échelle, renforcés par les phénomènes d’apprentissage. Il en résulte que, dans le cadre d’une intégration régionale, l’industrie qui est déjà relativement développée dans un pays par rapport à ses concurrents des autres pays membres, verra son avantage comparatif (voire absolu) augmenter dans le temps, sauf si la demande est régressive (cas de la croissance appauvrissante). Ainsi, il en découle un renforcement de l’avantage comparatif de la branche, et, en généralisant, on peut aboutir à une concentration des industries dans un pays relativement avantagé au départ.

Les investissements directs étrangers peuvent venir s’installer dans l’Union pour deux raisons: soit la taille du marché régional justifie d’une implantation plutôt que d’exportations, soit les dotations factorielles de l’Union sont adaptées aux besoins des firmes qui viendront s’implanter pour obtenir une synergie entre leurs avantages compétitifs de firme et les avantages comparatifs de la nation, afin d’exporter vers le reste du monde. L’intégration économique peut alors renforcer la crédibilité des politiques menées par les pays membres, et favoriser ainsi l’implantation d’unités de production dans les pays déjà relativement avantagés, ce qui peut encore renforcer le déséquilibre régional.

La concentration ou la dispersion des activités au sein de l’Union dépendent aussi de la qualité des moyens de transport et des coûts de transaction que doivent supporter les agents économiques. La prise en compte de la distance dans les modèles de gravité a montré depuis longtemps le rôle que jouaient les coûts de transport sur la dynamique de l’échange international. On rappellera aussi les résultats obtenus par Forslid & Wooton (1999) qui montrent que la réduction des coûts de transport peut affaiblir la tendance à la concentration des activités. Ainsi, la faiblesse des échanges entre pays africains serait aussi due, en partie, à la mauvaise qualité des infrastructures de ces pays.

Le résultat final de l’intégration dépendra alors d’un jeu entre les tendances à la concentration et celles à la diffusion des activités. A titre empirique, les intégrations régionales signées entre pays en développement ne semblent pas obtenir de grand succès, en particulier lorsque l’on se tourne vers les pays d’Afrique au sud du Sahara, qui participent pourtant à de nombreux regroupements. Globalement, la part de ces pays dans le commerce international s’est réduite au cours des quarante dernières années, et les échanges intra-communautaire une part très faible dans les échanges globaux. En Afrique au sud du Sahara, le meilleur taux en termes de commerce intra-communautaire est de 15% (taux de l’UEMOA, 2009), contre plus de 50% dans l’ASEAN par exemple, et 70 à 80 % pour l’Union Européenne. Comme le montre les chiffres, sauf en Afrique, le commerce est régional avant d’être international.

L’examen des particularités des pays d’Afrique au sud du Sahara, permet de mettre en évidence l’existence de commerce à sens unique pour des biens peu différenciés, la faible création de trafic et le caractère dominant des effets d’agglomération sur les effets de diffusion.

Ainsi, pour rendre bénéfique une intégration régionale entre pays en développement à l’ensemble des pays participants, des politiques régionales de développement doit être mis œuvre. Cela est la condition du maintien de l’Union et de l’approfondissement d’une intégration régionale et permettrait de retrouver le chemin d’une croissance et d’un développement diversifiés.

II. Promotion des pôles de croissance par la Commission de l’UEMOA

2.1. Programme Economique Régional (PER)

L’élaboration du Programme Economique Régional (PER) a pour objectif majeur de donner un nouvel élan aux économies de l’Union dans un contexte régional caractérisé par la baisse tendancielle de la croissance, l’accroissement de la pauvreté et les difficultés d’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) en 2015.

Afin d’y contribuer, la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’UEMOA a donné des instructions aux institutions régionales en vue de l’élaboration et de la mise en œuvre d’un programme d’investissements capable d’accélérer la croissance, de contribuer à l’approfondissement de l’intégration, ainsi qu’à l’atteinte des OMD.

Le PER répond à une vision de l’avenir qui vise à faire «de l’UEMOA un espace unifié et ouvert au profit d’une population solidaire ».

Cinq axes stratégiques sont retenus pour la réalisation de cette vision :

Il s’agit, à travers la mise en œuvre de ces cinq axes stratégiques, de rendre l’intégration plus visible pour les populations grâce à l’activation des politiques sectorielles communes.

Concernant la stratégie du PER, les partenaires au développement ont unanimement souligné l’importance du Programme comme instrument pour fédérer les énergies en vue de relever le défi du développement dans l’UEMOA. Ils ont aussi apprécié le caractère novateur du Programme, qui donne une plus grande visibilité des projets intégrateurs à initier à l’échelle de l’Union, en vue de consolider les bases d’une économie régionale compétitive, dynamique et prospère.

Les Etats membres sont les principaux acteurs et bénéficiaires du PER. En tant que complément de leurs efforts en matière d’investissements, la mise en œuvre du Programme est faite directement sous leur responsabilité. Près de 77 % du coût total du PER relèvent de l’exécution des projets à « canal national ». Il s’agit des projets réalisés par les Etats membres à travers leurs administrations. Les 23%, projets restant, à« canal régional », sont mis en œuvre par les Institutions régionales.

Au 31 octobre 2010, sur les 63 projets inscrits au PER, 50 sont en cours d’exécution, soit 80 % du portefeuille (cf. annexe tableau exécution des projets du PER).

L’axe 1 relatif à la bonne gouvernance et à l’approfondissement de l’intégration économique a été très dynamique avec 13 projets sur 15 qui sont en cours d’exécution, soit 86 %.

L’axe 2 portant sur la modernisation et la réhabilitation des Infrastructures économiques a été également prépondérant en termes d’exécution. Sur 31 projets, 24 projets sont en exécution, soit 77 % (projets routiers + la facilitation des transports, l’interconnexion des réseaux électriques et téléphoniques).

2.2. La promotion de l’Industrie et le développement de l’entreprise

Les actions conduites dans ce domaine s’inscrivent dans la mise en œuvre de la Politique Industrielle Commune adoptée en 1999.

Programme de Restructuration et de Mise à Niveau de l’industrie des Etats membres de l’UEMOA (PRMN)

La phase pilote du Programme de restructuration et de mise à niveau de l’industrie des Etats membres de l’UEMOA (PRMN), adopté en juin 2006, est entrée, au cours de l’année 2010, dans une étape décisive à travers l’appui direct aux entreprises et la préparation de la transition entre la phase pilote et la phase de déploiement du Programme. En complément du PRMN, nombre d’activités visant la promotion et le financement des Petites et moyennes Entreprises ont été conduites.

Développement des structures et des programmes de promotion de la qualité

Plusieurs études ont été lancées dans le cadre de la normalisation et de la promotion de la qualité, notamment l’accompagnement de 70 entreprises et 71 laboratoires à la démarche qualité; acquisition et fournitures d’équipements de métrologie aux laboratoires accompagnés à l’accréditation ; organisation des éditions du « Prix UEMOA de la Qualité ».

2.3. Initiative Régionale pour l’Energie Durable (IRED)

L’IRED est un programme qui repose sur l’amélioration conséquente de l’offre d’électricité, avec notamment un recours accru aux énergies renouvelables, la promotion des économies d’énergie et la mise en place d’un mécanisme de financement du secteur efficace et pérenne. Elle met aussi l’accent sur la nécessaire restructuration des sociétés d’électricité en vue d’en accroître les performances. La mise en œuvre de l’IRED a commencé à travers la mise en place et la fonctionnalité des dispositifs institutionnel et financier de l’IRED ; le versement de la contribution de 15 milliards de FCFA par la Commission de l’UEMOA à la dotation du Fonds de Développent de l’Electricité ; l’accélération des actions visant la mobilisation effective des ressources extérieures nécessaires au financement de l’IRED.

2.4. Les télécommunications et les nouvelles technologies

Au cours de l’année 2010, la Commission a entrepris la réalisation de plusieurs actions en matière de Télécommunications et des TIC dont :

2.5. Programme d’infrastructures et du transport routier et aérien

2.6. L’enseignement supérieur et la formation professionnelle

Dans le domaine de l’enseignement supérieur, l’appui à la réforme LMD dans les institutions, la création de pôles d’excellence régionaux de formation et de recherche et le soutien à la mobilité régionale des étudiants et des enseignants chercheurs ont été les priorisés. Les interventions ont été conduites à travers la mise en œuvre du Projet d’Appui à l’Enseignement Supérieur dans les pays membres de l’Union (PAES) et le Programme d’appui et de développement des Centres d’Excellence Régionaux (PACER).

Conclusion

De multiples effets de localisation peuvent jouer en intégration régionale, souvent en faveur des régions ou des villes déjà développées. Effets externes positifs, diffusion de savoir, réduction des coûts de transaction, pourraient militer en faveur de la concentration des activités, ce que montrent souvent les cartes économiques des territoires.

Cette forte tendance à la concentration des activités pourrait être relativement limitée ou canalisée dans le cadre d’une politique économique régionale et d’infrastructures. On peut en effet montrer que lorsque les coûts de transport sont réduits grâce à la qualité des infrastructures (Henner 2000, Luo 2001), les entreprises deviennent à nouveau sensibles en priorité aux différences de coûts de facteurs, ce qui conduit à une diffusion des activités dans l’espace régional.

Pour lever les conséquences des mouvements contradictoires et rendre bénéfique l’intégration à ses huit Etats membres, la Commission de l’UEMOA a institué une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre d’actions et de politiques communes dans les domaines tels que l’industrie, l’énergie, les transports, les infrastructures routières et ferroviaires, les télécommunications et les nouvelles technologies et l’enseignement supérieur.

Références bibliographiques

COMMISSION DE L’UEMOA (2010), « Rapport annuel de la Commission sur le fonctionnement et l’évolution de l’Union ».

DAVIS DR & WEINSTEIN DE (1997), « Economic geography and regional production structure: an empirical investigation » NBER Working paper Series n° 6093, july.

GAROFOLI, G. (1996), « Industrialisation diffuse et systèmes productifs locaux: un modèle difficilement transférable aux pays en voie de développement », dans C. Courlet et L. AbdeLmalki (dirs.). Les nouvelles logiques du développement. Paris: L’Harmattan, 367-381.

HENNER, H.F., 2001b « Convergence et divergence entre membres d’une intégration régionale », ATM, Aix-en-Province, Mai.

PUGA D & VENABLES AJ (1999) « Agglomeration and economic development: import

substitution vs trade liberalisation », Economic Journal , 109, 292-311.

RICCI LA (1999) « Economic geography and comparative advantage: agglomeration

versus specialization », European Economic review, 43, 357-77.

VENABLES A.J. (2000a) « Les accords d’intégration régionale: facteurs de convergence ou de divergence ? », Revue d’Economie du Développement, n° 1-2, p 227-46.

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